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Le consensus scientifique

Notre monde est très influencé par ce qu’on peut appeler le consensus scientifique. Cela veut dire que la science a découvert comment fonctionnent les choses, et qu’elle en a tiré des conclusions générales. Alors, ce qui va à l’encontre de cela doit être taxé d’obscurantisme. Par exemple, nous savons que ne pas se laver les mains risque de répandre des maladies graves. Un médecin, ou un hôpital, qui n’enforce pas de très strictes procédés d’hygiène va contribuer à la souffrance et à la mort de ses patients. Le consensus scientifique a fini par arriver à cette conclusion, et tant mieux.

Mais le chemin qui y a conduit a été difficile. Permettez-moi de citer un passage du livre Maladie ou santé à votre choix du docteur S.I. McMillen, livre aujourd’hui épuisé. C’est un extrait du chapitre 2 :

Orgueil et préjugés face à l’évidence

“L’orgueil et les préjugés sont des ennemis déclarés de toute preuve scientifique. Laissez-moi vous donner en exemple ce qui se passa à Vienne dans les années 1840, au moment même où les Viennois s’enthousiasmaient pour les valses de Johann Strauss et de son fils.

Vienne était aussi un centre médical bien connu. Jetons un coup d’œil sur l’un des hôpitaux universitaires d’alors. Dans la salle de la maternité de cet hôpital célèbre, une femme sur six mourait. Ce haut pourcentage de décès était semblable à celui des autres hôpitaux européens. Les médecins accoucheurs attribuaient cette mortalité à la constipation, à la lactation retardée, à la peur, à la pollution de l’air...

Quand les femmes mouraient, on les amenait dans la salle d’autopsie. La première chose le matin était l’arrivée à la morgue des professeurs et des étudiants en médecine venus faire l’autopsie des malheureuses victimes qui avaient trépassé durant les vingt-quatre heures précédentes. Après quoi, les médecins avec leur suite d’étudiants se rendaient dans les salles de maternité, où, sans se laver les mains, ils se mettaient en devoir de faire les examens gynécologiques sur les femmes vivantes, naturellement sans gants de caoutchouc.

Vers 1840, un jeune médecin du nom d’Ignace Semmelweiss avait la charge d’un service de maternité. Il observa que c’était surtout les femmes qui avaient été examinées par les médecins et les étudiants qui tombaient malades et mouraient. Après avoir observé pendant trois ans cette situation pitoyable, il établit une règle, c’est que dans son service tout médecin ou étudiant qui avait participé à des autopsies devait se laver soigneusement les mains avant d’examiner les patientes de la maternité.

En avril 1847, avant l’établissement de cette règle, cinquante-sept femmes étaient mortes dans le service dont Semmelweiss était responsable. En juin, une femme sur quarante-deux seulement mourut; en juillet, une sur qua­tre-vingt-quatre. C’était donc bien la preuve que de fatales infections avaient été transmises des cadavres aux personnes vivantes.

Un jour, après avoir fait les autopsies habituelles, puis s’être lavé les mains, les médecins et les étudiants entrèrent dans la salle de maternité et examinèrent une rangée de douze patientes. Onze de ces femmes, sur les douze, firent rapidement de la température et moururent.

Alors une nouvelle idée naquit dans le cerveau alerte de Semmelweiss : un élément mystérieux avait été transmis de toute évidence de l’une des malades aux autres, avec ces conséquences fatales. En toute logique, Semmelweiss ordonna que chacun devait désormais se laver les mains soigneusement chaque fois qu’il examinait une patiente. Un concert de protestations s’éleva contre le “désagrément” de toujours se laver, laver, laver les mains, mais la mortalité baissa encore.

Semmelweiss fut-il félicité par ses confrères ? Au contraire, des étudiants partisans du moindre effort, des accou­cheurs farcis de préjugés, des supérieurs jaloux de leur autorité le couvrirent si bien de mépris et de ridicule que son contrat annuel ne fut pas renouvelé. Son successeur supprima les cuvettes, et à nouveau les terrifiants pourcentages de mortalité recommencèrent. Est-ce que ses collègues furent alors convaincus ? Pas du tout ! Regardons la chose en face : l’esprit humain est tellement perverti par l’orgueil et les préjugés que la preuve ne parvient que rarement à le convaincre.

Durant huit mois, Semmelweiss tenta en vain de retrouver une position respectable à l’hôpital. Choqué et abattu, il quitta Vienne sans prendre congé des quelques amis qui lui restaient et se rendit à Budapest, sa ville d’origine. Là, il obtint une situation dans un hôpital. Là aussi, la mortalité parmi les accouchées était effrayante. A nouveau, il insti­tua la pratique de se laver les mains avant l’examen de chaque patiente. Immédiatement, le lugubre moissonneur fut arrêté, mais de nouveau les préjugés et la jalousie furent les plus forts, et plusieurs des collègues de Semmelweiss le croisaient dans les couloirs de l’hôpital sans lui adresser la parole.

Le docteur Semmelweiss écrivit un livre très bien documenté sur ses observations, qui ne fit qu’exciter les plus amers sarcasmes de ses adversaires. Les souffrances et les cris d’agonie de tant de mères mourantes hantèrent sa nature sensible et lui pesèrent à tel point que, finalement, il s’effondra. Ignace Semmelweiss mourut dans un asile d’aliénés, sans jamais avoir reçu la reconnaissance que méritaient ses efforts.”

Est-il donc possible que le “consensus scientifique” se fourvoie aussi lourdement ? J’aimerais soulever deux autres exemples. D’abord une question toujours en cours : le débat création - évolution. Le consensus scientifique penche complètement du côté de l’hypothèse de l’évolution. Tout scientifique qui ose s’affirmer plutôt créationniste est regardé de travers. Ce ne peut être un “vrai” scientifique, puisqu’il met en doute l’approche scientifique majoritaire du moment. Et pourtant, ils sont nombreux les scientifiques qui mettent au défi ce consensus, tant dans le camp des créationnistes plus traditionnels que dans le camp du “dessin intelligent”. Les arguments, les preuves, la logique ne manquent pas. Mais rien n’y fait, surtout que la philosophie humaniste et athée a repris les arguments évolutionnistes à grand renfort médiatique, et en dominant complètement le cursus scolaire. Quiconque ose affirmer une opinion créationniste est traité d’obscurantiste naïf. Mais ce n’est pas toujours celui qui crie le plus fort qui a raison. La question est bien trop liée à celle de l’existence de Dieu pour permettre une approche équilibrée et irénique. Créationnisme sous-entend Créateur. Et Dieu n’a pas droit de cité dans notre monde moderne. La religion, la spiritualité, le Bouddhisme et les Shamans, pas de problème. Mais le Dieu Judéo-chrétien est Persona non grata. De ce fait, le consensus doit être suspect. Il part d’un énorme préjugé. Un jour peut-être, on regardera en arrière et on dira avec incrédulité : “Ils ont pu gober ça : rien venu de rien ?”

Voici un autre exemple, d’un passé pas si lointain que cela, qui montre bien ce qui peut arriver quand le consensus scientifique se trompe lourdement. Cela s’est passé aux USA au début du XXe siècle.

Le dixième submergé — le programme eugénique américain, 1900-1940

Le 2 mai 1927, la Cour Suprême des Etats-Unis a autorisé l’Etat de Virginie à stériliser une adolescente. Carrie Buck, une jeune fille de 17 ans née à Charlottesville, en Virginie, n’avait commis aucun crime et ne souffrait d’aucune maladie exigeant un tel traitement. Malgré des rapports scolaires attestant qu’il s’agissait d’une “très bonne” élève, elle avait été déclarée “faible d’esprit” par un juge de paix local. La Virginie avait décidé qu’elle ne pouvait plus tolérer aucune “ordure de la société”; de même, en tant que fille d’une femme accusée peu avant de prostitution et de semblables “faiblesses d’esprit”, les gènes souillés de Carrie devaient être mis hors d’état de se reproduire. Ecrivant au nom de la Cour, le juge Oliver Wendell Holmes Jr. décréta qu’il valait mieux ligaturer immédiatement les trompes de Fallope de Carrie que d’attendre que ses enfants “débiles” souffrent de la faim ou soient exécutés comme criminels par la suite. La stérilisation forcée devint légale dans ce pays.1

La décision d’Holmes enchanta un groupe d’élites américains engagés dans un nouveau champ d’investigations appelé “eugénisme”. Ce domaine d’étude, dont le nom vient de l’expression grecque “bien né”, était consacré à la création d’une nouvelle race supérieure d’être humains. Pour des gens qui vivaient à l’aube du vingtième siècle, cette idée était plus que de la science fiction; c’était une solution irréfutable à un problème largement reconnu. De 1890 à 1920, quelque 18 millions d’immigrants étaient arrivés sur les côtes de l’Amérique — des “luthériens allemands, des catholiques irlandais, des juifs russes des orthodoxes slaves — en foule fatiguée, pauvre et grouillante, les uns après les autres.”2 Voyant avec horreur le nombre croissant d’immigrants, l’élite sociale et économique d’Amérique vit sa domination menacée. La solution, évidemment, consistait à faire décroître le nombre d’enfants nés dans ces familles inférieures et à faire progresser celui des enfants nés dans la catégorie supérieure, les bien nés, les “eugéniques”.

Le programme eugénique de l’Amérique fut supervisé par Charles Davenport, qui avait fait ses études à Harvard, et qui descendait de ministres du culte congrégationalistes de Nouvelle Angleterre. Davenport était convaincu que toutes les races non-blanches étaient caractérisées par certains défauts génétiques qui seraient immanquablement transmis à leurs enfants. Pour contrer cela, il avait souscrit à la cause de la “sélection naturelle” qui essayait de promouvoir “la survie du plus fort”.3

Afin de poursuivre son rêve eugénique, Davenport rassembla une coalition de gens et d’institutions hautement respectés. Grâce aux subventions conséquentes de l’Institution Carnegie, de la Fondation Rockefeller et de la veuve du magnat des chemins de fer E. H. Harriman, Davenport supervisa un complexe d’agences eugéniques à Cold Spring Harbor, Long Island, New York. L’une de ces agences, le Bureau des rapports eugéniques, a été fondée pour enregistrer l’arrière-plan génétique de tous les Américains, séparer les lignées déficientes de celles qui étaient souhaitables et identifier les 10% de personnes les moins intelligentes, les moins travailleuses, les moins utiles de la population américaine. Ce “dixième submergé” serait ensuite soumis à divers procédés eugéniques destinés à mettre un terme à sa lignée.

Davenport et ses collègues partisans de l’eugénisme ont répertorié dix catégories de personnes “inaptes socialement” : les “faibles d’esprit”, les pauvres, les alcooliques, les délinquants (même coupables de délits mineurs), les épileptiques, les aliénés, ceux qui avaient une constitution faible, ceux qui étaient prédisposés à certaines maladies, ceux qui étaient malformés et ceux dont les organes des sens étaient déficients (les sourds, les aveugles et les muets). En fin de compte, les desseins des eugénistes concernaient, au-delà des individus particuliers, leur famille élargie. L’un des leaders de l’eugénisme a déclaré : “Nous devons remonter plus haut dans les couches supérieures afin de découvrir quelles familles reproduisent ces dégénérés. Le remède consiste à assécher la source… Ces personnes, et la famille d’origine qui les produit… doivent être isolées et totalement empêchées de se reproduire.”4

Davenport et ses collègues eurent un succès considérable. Au moment de la décision Buck en 1927, vingt-trois Etats avaient décrété des lois de stérilisation obligatoire. Le gouverneur (et futur président des Etats-Unis) Woodrow Wilson avait signé celles du New Jersey en 1911. Néanmoins, avant l’affaire Buck, seuls environ six mille cas de stérilisation ou de castration sanctionnés par l’Etat avaient été enregistrés. Après Buck, ce nombre s’est élevé à environ 60 000.5

Les eugénistes américains n’ont jamais fait campagne pour l’exécution effective des “indésirables” pour la société, mais l’idéologie de cette abomination était en place. Quelques années plus tard, les camps de la mort nazis ont exterminé des millions d’êtres humains, en se référant aux “recherches” américaines comme à un précédent scientifique et moral. Quelqu’un a dit : “Aucun homme n’est aussi grand que lorsqu’il se baisse pour aider le faible.” L’histoire du mouvement eugénique nous enseigne qu’aucune nation ne s’abaisse autant que lorsqu’elle regarde le faible avec mépris et ressentiment.

Notes :
1
   Edwin Black, War Against the Weak: Eugenics and America’s Campaign to Create a Master Race (New York: Four Walls Eight Windows, 2003), p. 108-121.
2
      Ibid., p. 22.
3
      Ibid., p. 52, 19.
4
      Ibid., p. 225.
5
      Ibid., p. 63-85, 122-123, 398.

L’article sur l’eugénisme provient de www.kairosjournal.org, le site du Journal Kairos.
Le Journal Kairos cherche à fortifier, à instruire, à équiper et à soutenir les pasteurs et les dirigeants des Eglises
qui s’efforcent de transformer la conscience morale de la culture et de rétablir la voix prophétique de l’Eglise. La version française du site est maintenant disponible : http://www.kairosjournal.org/index.aspx?L=3.

Sur le même sujet de l’eugénisme, cf. l’article suivant :

Dans son roman Etat d’urgence, Crichton soulève des questions sérieuses concernant la théorie du réchauffement climatique. Les méchants dans son roman sont des éco-terroristes qui veulent produire des variations catastrophiques dans l’atmosphère et dans les océans. Impatients du manque de faits scientifiques pour les conduire à leur but, ils décident d’en créer eux-mêmes, même si cela tue plusieurs personnes. Au travers de son livre, Crichton cite des preuves pour montrer que le réchauffement climatique est douteux, si non une fiction complète.

A la fin de son roman, il cite un exemple historique d’une pseudoscience qui s’emballe. Ainsi, il démolit l’idée que le consensus dans la communauté scientifique constitue une preuve. La section suivante montre comment les élites intellectuelles ont eu tout faux dans le passé.

“Parmi ceux qui soutenaient la théorie on trouve Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson, et Winston Churchill. Oliver Wendell Holmes et Louis Brandeis, juges à la Cour Suprême, ont émis un jugement en sa faveur. Les scientifiques connus suivants appuyaient la théorie : Alexander Graham Bell, inventeur du téléphone; l’activiste Margaret Sanger; le botaniste Luther Burbank; Leland Stanford, fondateur de l’université de Stanford; les auteurs H. G. Wells et George Bernard Shaw, et des centaines d’autres. Des prix Nobel ont donné leur soutien. La recherche se faisait avec l’aide des Fondations Carnegie et Rockefeller. L’Institut Cold Springs Harbor fut construit pour pousser en avant la recherche, mais on faisait aussi des travaux importants aux universités Harvard, Yale, Princeton, Stanford, et Johns Hopkins. On a passé des lois pour s’occuper de la crise dans des états allant de New-York jusqu’en Californie.

Ces efforts étaient soutenus par l’Académie national des sciences, l’Association américaine de médecine et le Conseil national de recherche. Il a été dit que si Jésus avait été vivant, il aurait soutenu cet effort.

Finalement, la recherche, la législation, et la mise au pas de l’opinion publique ont continué pendant pratiquement un demi siècle. Ceux qui s’opposaient à la théorie furent empêchés de se faire entendre. On les a traités de réactionnaires, aveugles devant la réalité, ou tout simplement d’ignares. Mais avec le recul, ce qui surprend, c’est que si peu de gens aient formulé des objections.

Aujourd’hui, nous savons que cette théorie populaire, qui a reçu tant de soutien, n’était autre qu’une pseudoscience. La crise dont tout le monde dit qu’elle était réelle n’existait pas. Les actions entreprises au nom de la théorie étaient immorales et criminelles. En fin de compte, elles ont conduit des millions de gens à la mort.

Le nom de cette théorie ? L’eugénisme. Son histoire est si horrible – et pour ceux qui se sont laissés embobiner, si embarrassante – qu’aujourd’hui on préfère ne pas en parler. Mais c’est une histoire qui devrait être connue de tout citoyen, pour qu’on ne répète pas ses horreurs.” [1]

(D’après un article publié sur www.kairosjournal.org.)

Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour trouver d’autres applications de ce que Michael Crichton dénonce ici. L’évolutionnisme en est une évidence criante, mais il y en a d’autres, également dans le microcosme théologique où certaines interprétations ont parfois le vent en poupe en dépit du bon sens exégétique. Nous sommes, semble-t-il, très influençables par l’opinion de la majorité bien pensante, et encore plus par l’opinion de tel ou de tel personne très en vue. Tenir ferme dans sa foi n’a jamais été chose simple. Je cite de temps à autre le texte de Luther que voici : “Si je professe avec la voix la plus forte et l’explication la plus claire chaque partie de la vérité divine, sauf justement ce seul petit point qui est attaqué en ce temps-ci par le monde et par le diable, alors je ne confesse pas le Christ, peu importe avec combien d’assurance je le professe !

C’est là où la bataille fait rage que la loyauté du soldat est mise à l’épreuve : tenir ferme sur tout le reste du champ de bataille, mais fléchir sur ce point-là n’est que fuite et disgrâce.”



[1] Michael Crichton, Etat d’urgence (New York: HarperCollins, 2004), 575-576 (publié en français par Paris: Robert Laffont en 2006. La traduction ici est la mienne). Crichton ajoute : La théorie de l’eugénisme avait pour postulat une crise du patrimoine génétique qui conduirait à la détérioration de la race humaine. Les êtres humains supérieurs ne se multipliaient pas aussi rapidement que les êtres humains inférieurs – les étrangers, les immigrants, les Juifs, les dégénérés, les inaptes et les ‘faibles d’esprit’”

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Voici un autre article qui concerne l’eugénisme et qui nous conforte dans la pensée que ceux que notre monde admire comme des grands philosophes sont souvent de piètres hommes qui ne méritent aucunement notre admiration.

Il faut à la société une nouvelle et meilleure éthique sexuelle – Bertrand Russell (1872 – 1970)

Saint patron des athées et des libertins sexuels, Bertrand Russell fut pris dans le mouvement eugénique du début du vingtième siècle. L’idée d’une procréation humaine hors des structures du mariage allait de pair avec son admiration pour la promiscuité. Mais même les gens « libérés » sexuellement devaient trouver son approche « scientifique » de ces questions un peu froide. Ce choix de textes tirés de Marriage and Morals (Mariage et moralité) révèle le racisme, la cécité morale et l’arrogance dans lesquels sombre facilement l’homme impie.

L’eugénisme est de deux sortes, l’une positive et l’autre négative. La première s’applique à encourager les bonnes souches, la deuxième à décourager les mauvaises. Cette dernière est actuellement plus réalisable… Les femmes simplettes, comme nous en connaissons tous, ont tendance à mettre au monde des tas d’enfants illégitimes, tous, en règle générale, absolument inutiles à la communauté. Ces femmes seraient elles-mêmes plus heureuses si elles étaient stérilisées…

Il est possible que, dans les cent ans à venir, les sciences de l’hérédité et de la biochimie auront tant progressé qu’elles permettront de reproduire une race que chacun reconnaîtra supérieure à celle qui existe maintenant… Mais mettre ainsi en application la connaissance scientifique exigerait un bouleversement de la famille plus radical que tout ce qui a jusqu’ici été envisagé dans ces pages. Si la procréation scientifique doit s’accomplir jusqu’au bout, il sera nécessaire de mettre à part, à chaque génération, quelque deux ou trois pour cent de mâles et quelque vingt-cinq pour cent de femelles dans un but de multiplication. Il y aura, sans doute à la puberté, une visite médicale débouchant sur la stérilisation de tous les candidats malheureux. Le père n’aura pas plus de relation avec son rejeton qu’un taureau ou un étalon en a actuellement avec les siens, et la mère sera une professionnelle spécialisée, sélectionnée parmi les autres femmes sur sa façon de vivre. Je ne dis pas que cette situation se produira, encore moins que je le désire, parce que j’avoue que je trouve cela extrêmement répugnant. Cependant, en examinant la chose objectivement, on s’aperçoit que ce projet peut induire des résultats remarquables…

Dans les cas extrêmes, il ne peut y avoir guère de doutes quant à la supériorité d’une race sur l’autre. L’Amérique du Nord, l’Australie et la Nouvelle-Zélande contribuent certainement plus à la civilisation mondiale qu’elles ne le feraient si elles étaient encore peuplées d’aborigènes. Il semble en général juste de considérer les nègres comme inférieurs en moyenne aux hommes blancs, même s’ils sont indispensables au travail sous les tropiques, si bien que leur extermination (sauf pour des questions d’humanité) serait hautement indésirable…

Pour l’avenir de la civilisation, il est indispensable d’avoir une nouvelle et meilleure éthique sexuelle. C’est ce qui fait de la réforme de la moralité sexuelle un des besoins cruciaux de notre époque… A l’avenir, il deviendra aisément possible aux femmes de sélectionner les pères de leurs enfants selon la réflexion eugénique, sans sacrifier gravement au bonheur et en permettant à leurs sentiments intimes de pencher librement vers un compagnon sexuel habituel… Les hommes au capital héréditaire le meilleur seront âprement recherchés comme pères, tandis que les autres hommes, bien que très acceptables comme amants, risquent d’être rejetés s’ils visent la paternité. L’institution du mariage, telle qu’elle a existé jusqu’à présent, a qualifié de tels projets comme étant contraires à la nature humaine si bien que les perspectives pratiques de l’eugénisme ont semblé très restreintes. Mais il n’y a aucune raison de penser que, dans le futur, la nature humaine interposera semblable barrière…1

1 Bertrand Russel, Marriage and Morals (New York : Horace Liveright, 1957), p. 258 – 271. Première édition en 1929.

Source : http://www.kairosjournal.org/Document.aspx?QuadrantID=3&CategoryID=8&TopicID=32&DocumentID=8358&L=3

 

   
 

Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)