Accueil > Croire > Le chemin

 

Le chemin

 

La vie chrétienne est un chemin. Un chemin qui, par nature, nous est étranger. Car nous ne naissons pas quelque part sur ce chemin, mais nous sommes appelés à le chercher. Il n’est pas évident de le trouver. Il y a même peu de gens qui le trouvent et qui se mettent à le suivre. Pessimiste ? Certainement, mais ce pessimisme est celui du Fils de Dieu qui dit : “Entrez par la porte étroite car large est la porte et spacieux le chemin qui mènent à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là. Mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mènent à la vie, et il y en a peu qui le trouvent” (Matthieu 7.13,14).

Ce chemin commence avec une porte. Où se trouve-t-elle ? Jésus a dit ailleurs, dans la parabole du bon berger : “Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé; il entrera et sortira et trouvera des pâturages” (Jean 10.9). En cherchant le chemin, rappelons-nous de ce mot percutant du Christ qui dit : “Je suis le chemin, la vérité et la vie; nul ne viendra au Père que par moi” (Jean 14.6).

Le salut, c’est le chemin de Christ. C’est le suivre. Car “si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera. Et que sert-il à un homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme ? Que donnerait un homme en échange de son âme ? En effet, quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura aussi honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges” (Marc 8.34-38).
Le salut, c’est la porte de Christ. C’est entrer par lui, par le chemin nouveau et vivant qu’il a ouvert par sa mort sur la croix et par sa résurrection d’entre les morts.

Tous ceux qui ont cherché ce chemin, l’ont fait consciemment. Ils ont rencontré le Christ, que ce soit directement, dans les Evangiles, que ce soit par le témoignage et la prédication des apôtres et autres témoins du Christ par après.
Mais, ne faut-il pas d’abord croire en lui ? Et même, avoir la chance de croire en lui ? En fait, la plupart des hommes viennent à Jésus par un chemin détourné. Ce n’est pas lui qu’ils cherchent, mais la vie, une raison de vivre, un but digne d’être poursuivi. C’est qu’ils ont mal à la vie. Les autres ne le cherchent pas. Ils ne ressentent pas le besoin de lui.

Prenez ce jeune homme et sa quête de la vie : “Que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ?” (Voir Matthieu 19.16-26) C’est la vie qu’il cherche et c’est Jésus qu’il trouve. C’est Jésus qu’il vient trouver, mais ce n’est pas Jésus qu’il cherche. Il vient à Jésus comme à une banque de données, un maître de plus sur le marché des idées. Il ne croit pas encore, mais il croira peut-être. “Observe les commandements de Dieu”, lui dit Jésus. “J’ai essayé mais cela ne m’a rien apporté. Que me manque-t-il encore ?” La vie doit avoir un autre secret, un chemin pour initiés peut-être. Jésus, ne peut-il pas révéler ce chemin ? La réponse ne se fait pas entendre. “Va, vends tout ce que tu possèdes, donne l’argent aux pauvres et toi, viens et suis-moi !” Fin de l’entretien. C’est trop simple et en même temps trop cher. Le jeune homme part ailleurs avec sa quête. Il ne croira pas, parce qu’il ne le veut pas. Il ne croira pas parce qu’il ne veut pas obéir à l’ordre de Jésus. La porte étroite est vraiment trop étroite. Mieux vaut se perdre que de perdre. Il n’a pas la chance de la foi parce qu’il refuse la grâce de l’obéissance.
Que nous demande Jésus ? (Tout de même pas de vendre nos biens ! Jésus n’est pas un communiste !) La réponse est bien sûr que nous ne pouvons pas émettre une règle générale de ce que Jésus nous demande. Mais ce qui est clair, c’est qu’il nous demandera, à nous aussi et tout autant, un acte d’obéissance, un acte de détournement. Nous devons nous repentir.

Pourquoi se repentir ?

Mais pourquoi cherchons-nous la vie ? Parce que nous allons bien ? Parce que nous avons le sentiment d’avoir réussi et que rien ne nous manque ? Mais dans ce cas, nous ne chercherons pas et Jésus ne pourra rien nous apporter. Nous nous serons créés notre propre ciel selon nos conditions à nous. Nous ne chercherons pas et nous ne trouverons pas et nous serons à tout jamais étrangers en ce qui concerne Jésus-Christ et son Père qui l’a envoyé. Nous serons perdus encore plus désespérément que le jeune homme. Nous aurons été trop riches.
Pourquoi cherchons-nous la vie ? Mais bien sûr parce que nous sentons que quelque chose nous manque, nous échappe. Parce que malgré tout, ça ne va pas. Et Jésus nous appelle à nous repentir, à nous détourner de notre chemin, pour pouvoir commencer à marcher sur le sien. Christ nous appelle et nous devons obéir si jamais nous voulons trouver la foi qui sauve. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? “Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour le pardon de vos péchés” (Actes 2.38-41).

Ah, ça alors ! Aussi vite, comme le jeune homme, nous partons déçus. Trop cher, et trop sectaire. Après tout, n’avons-nous pas déjà été baptisés ? On préférerait mourir ! Eh bien, justement, il faut mourir ! La vie est à ce prix. Sans cela, nous chercherions une vie nouvelle en refusant de délaisser l’ancienne. Comme le jeune homme, nous ferions semblant de chercher. Nous voudrions la vie, mais seulement à notre prix... et donc à trop bon marché. Nous ne la voudrions pas en échange de la nôtre mais en plus de la nôtre. Et tristement, nous poursuivrons notre chemin large et spacieux jusqu’à la perdition. Nous aurons préféré la religion à la vie.

Il nous faut mourir. Etre baptisé, c’est accepter la mort. C’est recevoir le jugement de Dieu sur notre passé. C’est être intégré à la mort de Jésus. C’est être enseveli avec lui par le baptême, par l’eau qui nous couvre et d’où nous sortons pour vivre une nouvelle vie. Nous nous détournons de notre chemin pour suivre Jésus et aussi vite s’ouvre devant nos pieds un sentier qui nous conduit à la croix et à la tombe. Il faut s’y engager. Il suffit de s’y engager.
La croix de Christ n’a pas été dressée comme un exemple de l’amour de Dieu, mais comme une preuve de cet amour. C’est jusque là qu’il fallait aller pour sauver l’homme. La mort de Jésus ne fut pas une erreur judiciaire tragique, une fin malheureuse à une vie exemplaire. Il est venu pour mourir : “Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et pour donner sa vie en rançon pour beaucoup” (Marc 10.45). Il devait mourir parce que nous devons mourir. Et nous devons mourir parce que nous sommes coupables. La justice parfaite de Dieu ne permet pas d’absoudre des coupables. Le mal ne peut triompher définitivement. Tôt ou tard, il faut régler la facture. Mais que donnerait l’homme en échange de son âme ? Que pouvons-nous faire d’autre que de plaider coupable devant celui qui nous connaît mieux que nous nous connaissons nous-mêmes ? Notre idolâtrie et notre égoïsme nous condamnent. Que dit le Fils de Dieu ? “Les hommes ont aimé les ténèbres plus que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises” (Jean 3.19). Ces hommes, ce ne sont pas seulement les autres, si facilement pointés du doigt. Ce sont, du temps de Jésus, les docteurs de la Loi divine, les parangons de la religion officielle. “Que celui qui est sans péché jette la première pierre...” (Jean 8.7). Ces hommes, ces femmes, ce sont vous et moi.

Christ est venu pour mourir à notre place. La rançon qui nous libère, c’est sa vie, c’est son sang. Il prend sur lui notre dette accumulée et nous donne en échange sa justice, son innocence. En échange. Il ne la donne pas en plus. Il faut accepter l’échange, et donc accepter la culpabilité responsable devant notre Créateur. Sans cela, il n’y aura jamais d’échange. Sans cela, nous ne verrons pas la vie, mais la colère de Dieu demeurera sur nous (Jean 3.36).

Le chemin part à la croix. Sa croix doit devenir notre croix. Sa mort doit devenir notre mort. Sa tombe doit devenir notre tombe. Le baptême, c’est cela : l’identification entière que nous acceptons. Christ nous appelle à mourir afin de vivre. A nous détourner de nos chemins pour nous engager sur le sien. A échanger notre passé sans lui contre un présent avec lui. Cela commence dans le cœur, dans le secret absolu et inviolable de la vie intérieure. C’est là que nous percevons l’appel et que nous entendons la Parole. C’est là que nous décidons d’obéir. C’est là que le grand chamboulement commence. Mais cela ne peut y demeurer caché. Christ a souffert au grand jour et nous devrons le suivre. Le baptême nous force à la visibilité de notre engagement. Le chemin n’est pas secret. Le baptême, c’est s’exposer au grand jour, au risque du rejet, du ridicule, de la souffrance. C’est dire devant tous l’obéissance qui nous a conduit à la foi. C’est montrer en public la confiance que nous avons placée en Jésus.

Le chemin du salut, c’est celui de la croix et de la résurrection. Christ est sorti de la tombe. Ce matin de Pâques, le tombeau était vide. L’invraisemblable s’est réellement produit. Un homme s’est libéré de l’attraction de la mort. Il est vivant. Il est le seul Vivant. Et tous ceux qui le suivent vivront.
Il est écrit quelque part, sur un monument funéraire, une belle leçon de Latin : Mors mortis morti mortem nisi morte dedisset, aeternae vitae janua clausa foret. “A moins que la mort de la mort ait donné la mort à la mort par la mort, la porte de la vie éternelle serait fermée”. Mais maintenant, la porte est ouverte. La mort a perdu. La mort est morte. Ceux qui suivent Jésus, il est vrai, restent mortels. Mais la mort a perdu son aiguillon. Ils s’en vont dans la présence du Christ. “Christ est ma vie et la mort m’est un gain” (Philippiens 1.21). Et la mort éternelle, celle qu’il faut craindre, n’est plus. Parce que ceux qui suivent Christ sont passés de la mort à la vie, (Jean 5.24). Ils marchent sur un nouveau chemin. Ils vivent.

Ils ne marchent pas seuls. Jésus les incorpore à son Eglise. Pas à une institution vénérable et imposante, mais à l’Eglise faible, sous la croix. Tout ce que peuvent dire les gens sur le corps mystique de Christ n’est pas entièrement faux. Il y a un corps de Christ, une Eglise dont Christ est le Chef et dont ses disciples sont les membres. Par ci, c’est une communauté nombreuse, par là, ce sont quelques uns qui vivent la réalité du règne de Christ ensemble. Leur unité ne dépend pas d’une puissante administration, d’un joli bâtiment, d’une hiérarchie bien huilée. Ils sont un en Christ, au niveau le plus profond de leur être. Ils ont rencontré Jésus en lui devenant obéissants. Maintenant, ils voyagent ensemble sur le chemin. Et Dieu n’a pas honte de les appeler ses fils et ses filles. Ils vivent dans le même monde que tout le monde. Mais entre eux et ce monde se dresse la croix de Christ. Ils y agissent et ils le connaissent, le subissent souvent, à travers Jésus. Méprisables aux yeux des établissements religieux, souvent persécutés, ils sont pourtant heureux. Ils acceptent cette vie autre parce qu’ils sont étrangers, des gens de passage. Leur attente est ailleurs. Ils attendent leur Maître qui doit revenir. Ils préparent son retour.

Un chemin. Un voyage. Changer, partir, quitter, abandonner.
C’est vrai qu’il est tellement plus simple de rester comme avant, comme toujours, comme tout le monde. Après tout, Jésus ne demande-t-il pas de trop ? Mieux vaut continuer notre petit chemin. Mais vers où ?

Non, mieux vaut changer.
Mieux vaut le suivre.
Maintenant.

Egbert EGBERTS


Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)