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Réflexions

 

Dans le monde on l’appelle ‘tolérance’, mais en enfer on l’appelle ‘désespoir’ …
ce péché qui ne croit rien, n’interfère avec rien, ne se réjouit en rien, ne hait rien,
ne trouve aucun but, ne vit pour rien et qui reste en vie
parce qu’il n’y a aucune cause pour laquelle il accepte de mourir.

Dorothy Sayers

Suis-moi !

Dans la lettre mensuelle de la fondation Jérôme Lejeune, j’ai repéré l’éditorial de la main de son président, Jean-Marie Le Mené. Il vaut la peine d’en prendre connaissance. Vous pouvez apprendre davantage sur cette fondation qui opère dans le domaine de la génétique, et qui est le leader international dans les recherche sur la trisomie 21 en visitant son site internet : http://www.fondationlejeune.org.

La décision de la Cour de cassation donnant un état civil aux enfants sans vie a plongé les avorteurs dans l’effroi : il se pourrait que l’avortement soit menacé ! Rendez-vous compte, tel mouvement féministe observe même que la Cour «semble indiquer que la vie commence à la conception de l’embryon». Mais où va-t-on, je vous le demande ? Si vous voulez en profiter pour remettre un peu d’ordre dans le monde qui nous entoure, rappelez donc deux ou trois choses à vos amis, à vos voisins de paliers ou à vos enfants. Voilà une petite sélection propre à faire venir le printemps... D’abord, n’allez pas vous faire du mal en pensant que la loi autorise l’avortement. Elle n’en a jamais eu ni n’en aura jamais le moindre pouvoir pour une bonne raison : cela n’est pas du domaine de la loi mais de la morale. On n’imagine même pas comment de simples élus du peuple pourraient en avoir l’idée. Tout au plus la loi était-elle capable de dépénaliser l’acte, en supprimant la peine, ce qu’elle a fait, mais, pour ce qui est de l’autoriser, n’allons pas lui donner plus de pouvoir qu’elle n’en aura jamais. En revanche, il faudrait rappeler, dans les dîners en ville, chez le coiffeur ou dans les homélies, que le respect du prochain, qui commence avec le respect de l’enfant à naître, à plus forte raison quand il est malade ou handicapé, reste une donnée de base de la vie en société, jusqu’à preuve du contraire. Alors, soyez tranquilles, la morale a encore de beaux jours devant elle, à condition d’y croire et de le dire.

Ensuite, posez, comme allant de soi, l’existence objective du monde extérieur. Ça n’a l’air de rien, mais c’est très original aujourd’hui. Et à ceux qui exigeraient une preuve en bonne et due forme de l’humanité de l’embryon, répondez que vous refusez par principe de suivre cette voie. Réfugiez-vous avec insolence derrière le mot d’Aristote : «c’est être un rustre que de ne pas savoir distinguer entre ce qui exige de nous une démonstration, et ce qui, au contraire, nous en dispense». Renversez la charge et imposez à ceux qui veulent le détruire de faire la preuve que l’embryon n’est pas un homme. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, c’est impossible, cela n’a jamais été fait et ne le sera jamais par personne.

Enfin, s’il vous reste de l’énergie, colportez à temps et à contre temps cette belle pensée de Camus : «Mal nommer les choses, c’est accroître les malheurs du monde». En nommant bien les choses, ce qui est un vaste programme dans le domaine du respect de la vie, vous permettez à la vérité d’éclore, la vérité qui libère et qui rend heureux. Quand je vous parlais du printemps...

 

Voici un court article d’arrière-plan sur l’approche de la question homosexuelle au temps de l’Eglise ancienne. Il provient de www.kairosjournal.org, le site du Journal Kairos. Le Journal Kairos cherche à fortifier, à instruire, à équiper et à soutenir les pasteurs et les dirigeants des Eglises qui s’efforcent de transformer la conscience morale de la culture et de rétablir la voix prophétique de l’Eglise. La traduction française du site est en bonne voie et j’espère qu’il sera bientôt disponible aux lecteurs francophones.

Quand les chrétiens rejetaient l’homosexualité

Platon racontait qu’un jour, alors que Socrate marchait en direction du Lycée, il rencontra deux de ses amis, Hippothales et Ctesippus, des adultes, en pleine discussion avec un groupe de jeunes garçons. Hippothales dit à Socrate qu’ils parlaient souvent à de jeunes garçons et invita le philosophe à se joindre à la conversation. Socrate demanda à Hippothales lequel des garçons suscitait son intérêt. “A chacun ses goûts !”, répondit-il. Socrate continua son interrogatoire, “Et quel est le tien ?”1 Ce récit troublant décrit vraiment un pan peu glorieux de l’histoire de la Grèce antique, à savoir la tolérance à la pédérastie, activité homosexuelle entre un homme et un jeune garçon. Les Grecs poursuivaient, courtisaient même, des garçons de douze ans. “A Athènes, non seulement il était acceptable mais aussi, sous certaines conditions, socialement admis, qu’un garçon ait des relations homosexuelles avec un adulte.”2

Les Romains eux aussi pratiquaient et approuvaient l’homosexualité.3 Pourtant, au début de leur histoire, les Romains trouvaient efféminée la recherche des faveurs et de l’amour d’hommes libres. Les relations homosexuelles exigeaient que s’exprime la domination, comme un chef de maison poursuivant de ses assiduités son esclave mâle : “Pour un Romain, l’expression suprême de la virilité consistait à rabaisser les autres hommes. Il était bien trop facile, et trop dérisoire, pour un véritable homme, de simplement soumettre les femmes à ses désirs. Pour l’inépuisable et puissant mâle romain, les femmes ne suffisaient pas.”4 Il n’est pas surprenant que les Romains aient adoré Priape, le dieu de la fécondité qui protégeait son jardin en violant les voleurs, hommes et femmes.5

Selon Susan Treggiari, érudite de Stanford, les historiens s’accordent à dire que Grecs et Romains symbolisaient la licence sexuelle : “Il est entendu, dans le milieu des spécialistes modernes, que les Grecs et les Romains définissaient ainsi les actes sexuels : qui faisait quoi à qui.”6 Il est aussi admis que le christianisme transforma les opinions et les pratiques de l’Empire romain. Finalement l’Empire édicta des lois contre l’homosexualité active : “Il est difficile…de ne pas penser que le christianisme est une des causes, si ce n’est la cause fondamentale et décisive, du changement de la politique législative, de son durcissement graduel et surtout de l’extension de la liste des types de comportement homosexuel punissables.”7 Sous l’empereur Justinien (482-565 ap. J.C.), l’Etat proscrit l’homosexualité.8 Toutefois, déjà bien avant, les voix des chrétiens s’étaient élevées pour défendre une sexualité selon la Bible.

Guidés par l’enseignement de Christ sur le mariage et les écrits de Paul de Romains 1.26-27 et 1 Corinthiens 6.9-11, les premiers Pères de l’Eglise qualifièrent l’activité homosexuelle de péché contre nature. Aux 1er et 2ème siècles, Polycarpe, Justin le Martyr et Athénagore se prononcèrent clairement contre l’homosexualité et son ancienne forme populaire, la pédérastie. Constantin légiféra même contre une prêtrise égyptienne homosexuelle au cours de son règne.9 L’église prit un tournant décisif au 4ème siècle, lors du Concile d’Elvira (maintenant Grenade, en 305 environ), en déclarant : “Ceux qui abusent sexuellement de jeunes garçons ne pourront communier même à l’approche de la mort.”10 Le Concile dénonça également la vente d’enfants comme esclaves sexuels : “Les parents et tous les chrétiens qui abandonnent leurs enfants aux abus sexuels, vendent en fait les corps d’autrui et s’ils le font, ou s'ils vendent leurs propres corps, ils ne recevront pas la communion, même à leur mort.”11

Plus tard, toujours au 4ème siècle, Basile de Césaréee écrivit dans sa troisième lettre canonique : “Celui qui se rend coupable d’inconvenance avec des hommes sera soumis à la discipline pour aussi longtemps que les adultères.”12 Or, selon le 58ème canon de la même lettre, les adultères étaient privés de communion pendant quinze ans. Donc, du point de vue de la loi du canon ancien, les relations homosexuelles étaient traitées sur le même plan moral, ou pire, que le péché d’adultère. L’Eglise resta inflexible sur ce sujet, malgré une forte pression sociale pour la tolérance sexuelle.

Etant donné l’attitude favorable des Grecs et des Romains face à l’homosexualité, on ne saurait assez insister sur le courage et la conviction nécessaires à l’Eglise primitive pour formuler et défendre une éthique sexuelle selon la Bible. Convaincus de la vérité de leur message, ces premiers chrétiens ne firent que peu de cas de l’opinion publique.

Notes :
1
  Le récit de Platon est extrait d’Euthydème, résumé par Eva Cantarella, Bisexuality in the Ancient World, trad. Cormac O’Cuilleanain (New Haven : Yale University Press, 1992), p. 34-35.
2
  Ibid., p. 17.
3
  “Les Romains de l’antiquité vivaient dans un environnement culturel où les hommes mariés pouvaient avoir des relations sexuelles avec leurs esclaves mâles sans craindre la critique de leurs pairs; l’adultère posait généralement plus problème que la pédérastie…” Craig A. Williams, Roman Homosexuality : Ideologies of Masculinity in Classical Antiquity (New York : Oxford University Press, 1999), p. 3.
4
      Cantarella, p. 98.
Dans sa vie personnelle et familiale, le paterfamilias romain était le maître absolu, avec un pouvoir illimité sur tout ce qui lui appartenait, personnes ou choses. Et parmi les choses lui appartenant, il y avait ses esclaves sur lesquels – du moins pendant les premiers siècles de l’histoire de la ville – il exerçait un pouvoir hors de tout contrôle de la société et de l’Etat. Dans cette situation, pourquoi diantre se serait-il privé de sodomiser ses valets dont les devoirs domestiques impliquaient l’obligation de le laisser faire ce qu’il voulait d’eux ? Id., p. 99.

5
  Williams, p. 18.
6
  Susan Treggiari, “Marriage and Family in Roman Society,” dans Marriage and Family in the Biblical World, réd. Ken M. Campbell (Downers Grove, IL : InterVarsity Press, 2003), p. 172.
7
  Cantarella, p. 208.
8
  Ibid., p. 210.
9
  Eusèbe, Vie de Constantin, IV.25.2, dans Eusebius : Life of Constantine, trad. Averil Cameron et Stuart G. Hall (Oxford : Clarendon, 1999), p. 161.
10
Le Concile d’Elvira, canon 71, http://faculty.cua.edu/pennington/Canon%20Law/ElviraCanons.htm (accédé le 17 juillet 2007). Les décisions du Concile d’Elvira ne furent pas toutes acceptées. Ainsi, par exemple, le canon 33 appelant les prêtres, mariés ou non, à rester célibataires.
11
Ibid., canon 12. Par rapport au contexte des autres canons de ce Concile, qui excommunient le transgresseur de façon permanente, la relation homosexuelle de type adulte-enfant est l’égal, moralement, des sacrifices aux dieux romains (canon 1), de l’inceste (canon 66), de l’adultère répété (canons 7 et 47) et de l’adultère combiné à l’avortement (canon 63). Sur la base de cette preuve, on peut établir en conclusion préliminaire que les canons de l’église primitive traitaient les relations homosexuelles comme passibles de la forme la plus sévère des châtiments ecclésiastiques.
12
Basile de Césarée, Ep. 217, canon 62, trad. Paul Gavrilyuk; voir Ep. 188, canon 7.


Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)