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J’ai cru, c’est pourquoi j’ai ... chanté

L’article suivant a été publié dans le journal Persévérance en 1999. Malheureusement, peu de choses ont changé à ce sujet. Le voici donc, légèrement raccourci, tel il est apparu dans la Boîte à outils.
 

Pendant de longs siècles, l’Eglise a chanté sa foi. Des poètes ont cherché à mettre la foi biblique en vers, des compositeurs y ont mis des mélodies, et le résultat a été fort souvent un puissant encouragement pour la foi. Parce que nous retenons ce que nous chantons, bien mieux que ce que nous entendons ou ce que nous lisons. Il a été dit que les masses de chrétiens méthodistes en Angleterre ont appris leur doctrine chrétienne par les chants des frères Wesley. Le chant, si peu important dans le Nouveau Testament, peut avoir une influence profonde. Il peut former, …et déformer, la foi des chrétiens.

Or, nous assistons à une déferlante de musique et de rythme dans nos milieux évangéliques. Mais les convictions véhiculées par ces chants expriment-elles vraiment nos convictions ? Ou chantons-nous parfois des choses opposées à nos convictions, sans nous en rendre compte ? Ou en nous disant que ce n’est pas bien grave ?

Permettez-moi de citer quelques exemples de chants récents. Je m’empresse de dire que je n’écris pas par envie de critiquer, ou pour viser l’un ou l’autre frère ou sœur. J’écris à cause d’une grande inquiétude. Je pourrais même dire, en parodiant le titre de cet article : “Je ne chante plus, c’est pourquoi j’ai écrit.” Je ne chante plus, entre autres, parce qu’on nous fait chanter du n’importe quoi. Parce qu’on nous fait chanter des textes remplis de doctrines étonnantes. Parce qu’on veut, par le chant, remodeler la foi des chrétiens. J’ai dit ‘on’. Je pense que nous subissons, là aussi, une offensive spirituelle concoctée et animée, au sens propre, par l’esprit du mal. Il y a péril dans la demeure. Je sais qu’un article comme celui-ci ne me fera pas que des amis. Oser dire ces choses me fera classer très vite comme fondamentaliste –ce qui, tout bien réfléchi, est un compliment– et comme extrémiste. Mais l’usage d’invectives traduit la plupart des fois une grande pauvreté d’arguments.

Venons-en donc aux exemples et faisons un peu l’exégèse de nos cantiques modernes.

“Guéris ce pays, répands sur lui ton Esprit-Saint. Ton Esprit, tel un flot, se rapproche, prêt à recouvrir tout ce pays. Pour instaurer ta justice…”
L’exégèse, c’est, en bonne partie, commencer par poser quelques questions pertinentes. Nous chantons de quel pays ? La Belgique ? C’est ce qu’on dit en général en introduisant ce chant et c’est ainsi que la plupart le comprennent en chantant. Loin de moi d’oser nier que la Belgique a besoin de guérison ! Mais est-ce là l’œuvre de Dieu dans notre monde ? A-t-il guéri Israël au temps des apôtres ? Pourtant, Israël avait quelques raisons de s’y attendre. A-t-il guéri la Grèce par l’évangélisation au premier siècle, ou l’Empire Romain ? La suite du chant indique le sens de cette guérison. Dieu l’effectuera par une nouvelle Pentecôte. Il répandra son Esprit, et ce moment approche à grands pas. Son Esprit va couvrir la Belgique et instaurer la justice. Vraiment ? Nous sommes à la fin des temps, l’apostasie annoncée est déjà là. Ce qui approche à grands pas est la révélation de l’homme impie. La persécution est à la porte, et, en ces jours-là, trouvera-t-on encore la foi ? La justice, laquelle ? sera-t-elle instaurée par une nouvelle Pentecôte ? Par un réveil prophétisé par les faux prophètes charismatiques et évangéliques modernes ? Allons-nous donc vers une ère de paix sans le retour de Christ ? Bien sûr, vous êtes libre de le croire. Mais dans ce cas, fermez votre Bible. Christ bâtit son Eglise en l’appelant hors du monde, en l’invitant à la séparation difficile d’avec le mal, d’avec les faux frères. Il nous dit que nous deviendrons des étrangers sur terre, des étrangers dans notre propre pays. Nous habitons dans un monde condamné. Et donc aussi dans un pays condamné.

Il nous faut alors être très prudent avec des chants un peu rapides, inspirés de 2 Chroniques 7.14, Si mon peuple, sur qui est invoqué mon nom, s’humilie, prie et me cherche, se détourne de ses mauvaises voies, je l’exaucerai des cieux, j’effacerai son péché, et son pays je guérirai. Croyons-nous que Dieu guérira notre pays si les vrais chrétiens s’humilient ? Je doute que l’application soit juste. Car nous n’avons pas du tout le même rapport avec notre pays qu’Israël avec le sien. Nous sommes étrangers et pèlerins dans nos pays, tandis qu’Israël possède le sien. L’œuvre de Christ, c’est de bâtir son église, pas de guérir le monde. C’est une chose importante. Nous croyons au retour de Christ. Nous croyons à l’apparition de l’Antichrist avant cela. Nous observons une croissance vertigineuse du mal.

Bien sûr, Dieu bénit un pays qui veut se conduire selon sa Parole. Mais pour que nos pays se conduisent d’une telle façon, nous devons annoncer et vivre l’Evangile. Nous avons à nous humilier devant Dieu à cause de l’état spirituel triste de nos églises et de nos vies, pour que sa puissance agisse à nouveau en nous en vue du témoignage à rendre à Jésus-Christ. Mais “son peuple”, ce n’est pas le peuple belge, ou américain. Son peuple, c’est l’Eglise de Jésus-Christ et ce peuple-là ne possède aucun pays. Sa patrie n’est pas ici-bas.

D’ailleurs, c’est qui “le peuple de Dieu” ? C’est un des noms typiques du peuple d’Israël dans l’AT. Dans le NT, il est utilisé une seule fois clairement de l’Eglise, en 1P 2.10, vous qui autrefois n’étiez pas un peuple, et qui maintenant êtes le peuple de Dieu, vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde, et qui maintenant avez obtenu miséricorde. (Il y a peut-être aussi Héb 4.9). Or, l’appellation est assez floue dans son utilisation aujourd’hui. Le NT lui préfère de loin d’autres noms : les disciples, l’Eglise de Jésus-Christ… Pourquoi donc cet engouement pour ce vocable qui appartient par priorité au peuple d’Israël ?

Y aura-t-il une nouvelle Pentecôte ? Dieu, peut-il encore répandre son Esprit ? Ne l’a-t-il pas déjà fait, une fois pour toutes, lors de la Pentecôte ? S’il n’a pas repris son Esprit, et il ne l’a pas fait, il ne peut le répandre à nouveau. Par l’Esprit donné, il appelle aujourd’hui tout homme à la repentance et à l’obéissance de l’Evangile. A une vie, non pas faite de victoires faciles, mais de luttes difficiles et âpres.

Victoire. C’est un thème récurrent des chants évangélique modernes. “Jour de joie, jour de victoire, il étend sa main d’en haut… Dieu se lève avec éclat et il marche devant moi.” Cela sur une mélodie bien entraînante où on peut vraiment ouvrir tous les registres. Comme si tout ce qu’il y a à faire c’est de chanter cela et le tour est joué. Mais Dieu ne se lève pas avec éclat dans ce monde. Il a permis que soit dressé la croix de Jésus-Christ. Il nous appelle à des choix difficiles pour que l’Evangile devienne chair dans notre vie. Des choix compliqués pour répondre à la vocation de porter la Bonne Nouvelle au monde, même au risque de notre vie. Or, les “vocations missionnaires” sont de plus en plus rares. L’argent manque de plus en plus dans nos milieux. Mais nos équipements techniques sont de plus en plus perfectionnés pour qu’on puisse chanter ces “canticlettes” avec un maximum de décibels. Qui nous a séduits ?

Il y a une victoire. Bien sûr. Victoire quand Christ paraîtra. Victoire, quand à Christ nous obéissons. Victoire sur le mal et le péché, sur l’argent et la superficialité. Victoire accessible par l’Esprit-Saint. Mais victoire pour le Saint-Esprit ? C’est quoi ça ? Est-ce que cela traduit un glissement dans notre conception de la Trinité ? Selon la Bible, nous vivons par l’Esprit pour Jésus. L’évidence de la présence de l’Esprit est le fait que Christ soit au centre. Nulle part, l’Esprit est mis au centre. On ne prie pas l’Esprit, on n’adore pas l’Esprit, choses que nos “canticlettes” font avec une facilité déconcertante. Est-ce le Saint-Esprit qui nous conduit vers des expressions, et donc vers des pratiques non bibliques ? Poser la question, c’est déjà y répondre. Mais si ce n’est pas l’Esprit, qui nous a séduits ?

“La trompette sonne sur notre pays”. De nouveau, que veut-on dire ? Est-ce la trompette qui introduit la venue de l’Epoux, comme le dit la dernière strophe ? La dernière trompette ? Elle n’a pas encore sonné et quand elle sonnera, elle sonnera la fin des temps. Ce sera le rideau sur l’œuvre de l’Eglise ici-bas. Quelle trompette sonne sur la Belgique pour que nous recevions les dons de Dieu ? Et quels dons ? Ceux dits ‘charismatiques’ qui étaient probablement à l’esprit de l’auteur ? Cette trompette, nous appelle-t-elle à nous unir pour que l’Esprit viendra sur nous ? L’Esprit-Saint est donc parti ? Quelle unité faut-il poursuivre ? Celle de tous les chrétiens de la Chrétienté ? Ou même, celle de tous les hommes ? L’unité sur la base de quel fondement ? Que comprenons-nous lorsque nous chantons : “Tu es là dans le cœur de ton Eglise au delà de ces murs qui nous divisent” ? Loin de moi de prêcher pour des querelles de clocher entre personnes qui servent le même Seigneur à la lumière de la même Parole de Dieu. Loin de moi de nous croire meilleurs que ceux qui aiment le même Sauveur dans d’autres églises et de vouloir récupérer le maximum de gens ou d’églises par orgueil dénominationnel. Mais allons-nous donc gommer toutes les différences, et pour commencer celles qui sont profondément enracinées dans la Parole de Dieu ? Allons-nous commencer par nier ce que nous croyons par le chant de quelques bêtises bien rythmées ? Dans un monde où le refrain de l’unité tous azimuts est repris par de plus en plus de chantres, allons-nous nous laisser emporter par une jolie mélodie ? Chantons-nous sans intelligence, 1Cor 14.15 ?

“Le Roi des rois établit son règne, il prend possession de la terre entière, brise les nations d’un sceptre de fer. Purifiez-vous, car le feu viendra sur vous.” Du fait que cette strophe est introduite et conclue avec la phrase “Réveillez-vous, mes enfants”, je me demande de nouveau ce qu’on veut dire. Qui sont ces enfants ? Sur qui viendra le feu ? Le même ‘vous’ que ceux sur qui viendra l’Esprit ? Et quel feu ? Et dans quel sens, le Dieu qui dit : “le monde est à moi et tout ce qu’il renferme” (Ps 50.10-12), peut-il prendre possession de la terre entière ?

Lorsque vous chantez, et lorsque vous faites chanter, posez-vous au moins ces quelques questions de bon sens spirituel :

  • Est-ce que ce chant est biblique ?
  • Accepteriez-je qu’on prêche la doctrine que ce chant fait chanter ?
  • Est-ce que ce chant peut être mal compris ?
  • Est-ce que ce chant a vraiment un contenu ou est-ce seulement la mélodie et le rythme qui me captivent ?
  • Est-ce que ces chants vont tous dans le même sens, en sacrifiant la vérité par l’omission systématique de certaines choses ou par la répétition ‘ad nauseam’ de certaines autres ?
  • Est-ce que ces chants expriment l’essentiel de la foi ou sont-ils trop atteints par la pensée unique du monde évangélique moderne ?

Osons être sans pitié pour les chants qui ne répondent pas à ces critères. Ils ne méritent pas d’être chantés par l’Eglise de Jésus-Christ.

Au lieu de nous laisser séduire, favorisons un autre choix de chants. Loin de moi de suggérer de revenir tout simplement à ce qu’on a toujours fait et chanté. Même si beaucoup de nos anciens cantiques méritent encore d’être chantés, il y a une large place pour du nouveau. Il y a aussi de la place pour une révision musicale de nombre de vieux cantiques dont le texte est excellent. Il y a de bons recueils de nouveaux chants. Je pense à “A toi la gloire” qui mériterait une édition sans musique. Il y a “Dans la présence du Seigneur”. Il y en a certainement d’autres. Il y a de la place pour des poètes et des compositeurs dans nos églises. Comme au temps des Wesley, il est encore possible et utile d’enseigner la foi biblique par des chants. Le Saint-Esprit n’a pas abandonné l’Eglise. Il y a encore des mélodies à ‘dérober’ au monde comme au temps de William Booth de l’Armée du Salut. Pour terminer, j’aimerais citer quelques lignes d’une prédication de ce dernier en Juin 1877 :

“Le chant chrétien devrait être caractérisé par trois choses. Il doit être un chant d’assemblée, le chant de tous. Il doit être de tout cœur, et pas seulement un service des lèvres qui provient d’un sentiment d’obligation ou même de plaisir, mais le cri de l’âme des gens. Il doit être utile. Il doit amener les gens vers le sang de Christ et vers le trône de Dieu. Il doit amener les non croyants au brisement devant le Seigneur… Ayez des chants qui chantent le salut. Je suis malade de chanter des bêtises sentimentales qui n’ont aucun lien avec les intérêts réels de l’âme… Chantez du sang qui purifie, de l’Esprit qui fortifie, des forces qui protègent, de l’amour qui pourvoit, des victoires et des gloires qui nous attendent… Il faut avoir de bonnes mélodies. Pour commencer, c’est ce qu’il faut, peu importe qu’elles soient sacrées ou non. En fait, j’aime assez bien dérober au diable ses meilleures mélodies…”

Que Dieu nous permette de rester équilibrés et fermes dans la foi, aussi lorsque nous chantons !

Egbert Egberts,
Boîte à Outils 0601,02,
www.aepeb.be

 


Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)