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Demain ... l’horreur ?


Une aristocratie génétique ?
— Lee M. Silver (1952 - )

Lee M. Silver est professeur de biologie moléculaire à Princeton et membre de l’Association américaine pour l’avancement de la science. Silver soutient en grande partie toutes les technologies ‘reprogénétiques’ comme le clonage et le génie génétique, et il aspire au jour où elles seront employées à grande échelle. Opposé à l’héritage judéo-chrétien, il ne tolère guère les objections des bioéthiciens, surtout de ceux qui souffrent de « craintes conscientes ou subconscientes d’empiéter sur “le domaine de Dieu”.1 Et pourtant, il entrevoit un grave problème éventuel, qui implique un désavantage financier et une distinction de classe. Il esquisse un scénario, dans trois siècles, pour montrer à quel point les choses pourraient devenir catastrophiques.

Date et lieu : U.S.A., 15 mai 2350

Les Etats-Unis d’Amérique existent encore, mais ils ne sont plus pareils que ceux que vous connaissez. La différence la plus frappante est que l’extrême polarisation de la société qui a commencé vers 1980 a fini par aboutir à sa conclusion logique : tous les hommes appartiennent maintenant à l’une des deux classes. Ceux qui appartiennent à la première sont nommés les Naturels, ceux qui appartiennent à la seconde, les Gènes enrichis, ou simplement les GenRich…

Les GenRich — qui constituent 10 pour cent de la population américaine — portent tous des gènes synthétiques. Ces derniers ont été créés en laboratoire et n’existaient pas parmi l’espèce humaine jusqu’à ce que les généticiens reproductifs du vingt et unième siècle commencent à les y implanter. Les GenRich sont une classe héréditaire moderne d’aristocrates génétiques.

Certains des gènes synthétiques portés par les membres actuels des GenRich l’étaient déjà par leurs parents. Ces gènes ont été transmis aux GenRich actuels à l’ancienne mode, de parent à enfant, par le sperme ou l’ovule. Mais d’autres gènes synthétiques sont spécifiques à la génération actuelle. Ils ont été placés dans des embryons GenRich par l’application des techniques de génie génétique peu après la conception…

Tous les individus GenRich actuels ne peuvent pas retrouver la trace de leurs ancêtres de base du vingt et unième siècle, au moment où l’amélioration génétique a été mise au point pour la première fois. Au cours du vingt-deuxième et même du vingt-troisième siècle, certaines familles Naturelles ont rassemblé la somme requise pour faire entrer leurs enfants dans la classe GenRich. Mais au fil du temps, le fossé génétique entre les Naturels et les GenRich s’est élargi de plus en plus, et actuellement, il n’y a plus beaucoup de passages de la classe Naturelle à la classe GenRich. Il semble juste de dire que la société est à deux doigts d’atteindre le point final de complète polarisation.

Tous les aspects de l’économie, des médias, de l’industrie des loisirs et de celle de la connaissance sont contrôlés par des membres de la classe GenRich. Les parents GenRich peuvent se permettre d’envoyer leurs enfants dans des écoles privées pourvues des ressources nécessaires pour qu’ils tirent avantage de leur potentiel génétique amélioré. Par contre, les Naturels travaillent comme prestataires de services à bas salaires ou comme ouvriers, et leurs enfants se rendent dans des écoles publiques. Mais les écoles publiques du vingt-quatrième siècle n’ont pas grand-chose en commun avec celles qui les ont précédées au vingtième siècle. Depuis le début du vingt et unième siècle, les fonds destinés à l’instruction publique ont fortement diminué, et maintenant, les enfants Naturels n’apprennent que les technologies de base dont ils ont besoin pour accomplir le genre de tâches qu’ils doivent faire dans les travaux à la portée des membres de leur classe…

Ces scénarios scandaleux sont-ils tirés dela science-fiction ? Sont-ils sortis tout droit du cerveau des scénaristes d’Hollywood ? Non… la trame scientifique de [ce] scénario est basée sur de simples extrapolations de notre base de connaissances actuelles. De plus, si les avancées biomédicales continuent à se poursuivre à la même vitesse qu’actuellement, les pratiques décrites seront probablement réalisables longtemps avant que nous atteignions mes dates choisies avec prudence.2

 

1 Lee M. Silver, Remaking Eden (New York: Avon Books, 1997), p. 13.

2 Ibid., p. 4-8.

 

L’euthanasie : quel en est le vrai programme ? — Charles Potter (1885-1962)

Charles Potter était le premier président de la Société américaine pour l’euthanasie (ESA), fondée en 1938. Bien que durant la plus grande partie de sa présidence, la politique officielle de l’ESA ait consisté à promouvoir l’euthanasie volontaire, d’après cette communication à C. Killick Millard, membre fondateur de la Voluntary Euthanasia Legislation Society (Association pour une législation de l’euthanasie volontaire) en Angleterre, il paraît évident que le vrai programme était plus vaste.

Vous remarquerez que nous n’avons pas restreint notre programme à l’euthanasie volontaire. Nous nous sommes aperçus que dans certains milieux, la suggestion d’euthanasie pour des débiles incurables était plus facilement admise que celle de l’euthanasie volontaire pour des êtres souffrants normaux.1

 

1 Lettre de Charles Potter à C. Killick Millard (1938) citée dans Ian Dowbiggin, ‘A Prey on Normal People’: C. Killick Millard and the Euthanasia Movement in Great Britain, 1930-55, Journal of Contemporary History 36, n°. 1 (2001): p. 74-75.


Ces deux articles proviennent du site suivant (avec autorisation) : http://www.kairosjournal.org/index.aspx?L=3

 

On peut rappeler utilement dans ce contexte les dires du Dr James Watson, rapportés par Time en 1973 :

En mai 1973, James D. Watson, le lauréat de prix Nobel qui a découvert la double spirale de l’ADN avec Francis Crick, a accordé une entrevue au magazine Prism, une publication de l’Association Médicale Américaine. Watson y dit entre autre ceci : “Si un enfant n’était pas déclaré vivant jusqu’à trois jours après la naissance, on pourrait permettre à tous les parents le choix qui est seulement donné à quelques uns sous le système actuel. Le docteur pourrait permettre à l’enfant de mourir si les parents le choisissent et ainsi prévenir beaucoup de misère et de souffrance. Je crois que cette vue représente la seule attitude raisonnable et compatissante.”

La suggestion de Watson devrait choquer ses collègues et provoquer une réaction violente dans le monde non scientifique.

C’est peut-être exactement ce que Watson veut faire. Il croit que les expériences de conception in vitro en cours peuvent ouvrir la porte à une ingénierie génétique de plus en plus vaste et, finalement, au clonage, la création de copies génétiques multiples d’un seul individu.

Watson est peu enthousiaste devant ces perspectives et croit que le public, s’il était au courant, partagerait son appréhension devant ces expériences et prendrait des mesures pour les arrêter.

Time magazine, May. 28, 1973


Il n’est pas fou celui qui perd ce qu’il ne peut garder, afin de gagner ce qu’il ne peut perdre. (Jim Elliot)